
Grève ferroviaire : « Il est temps de penser la chaîne d’approvisionnement alimentaire comme essentielle »
La grève possible des deux principales compagnies ferroviaires du Canada le 22 août aurait des répercussions sur l’économie de la Colombie-Britannique annonce l’administration portuaire de Vancouver. Mais pas seulement. « Elle aura des conséquences potentielles sur l’approvisionnement dans tout le pays », pense Sylvain Charlebois, professeur titulaire à l’Université Dalhousie à Halifax et directeur scientifique du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire.
L’approvisionnement alimentaire en question ?
Alors que 94% des biens transportés le sont par l’intermédiaire des rails selon l’expert, lorsqu’une grève de cette ampleur se profile, c’est toute la chaîne d’approvisionnement alimentaire qui se prépare. « C’est un mauvais timing pour les agriculteurs, beaucoup sont au moment des récoltes en fin d’été et le transport des productions est primordial. La qualité des grains pourrait aussi être compromise », souligne-t-il.
Depuis une semaine, les approvisionnements sont déjà au ralenti et les entreprises cherchent des alternatives indique Sylvain Charlebois. « Le conflit social du rail pourrait entraîner des augmentations de coûts de transport, ajoute-il. Sans savoir précisément si celles-ci peuvent avoir des conséquences sur les prix au bout de la chaîne, c’est pénalisant pour toute la chaîne logistique ».
La Fédération des chambres du commerce du Québec est aussi inquiète. « La fiabilité de la chaîne d’approvisionnement est en jeu » selon elle. Dans un communiqué, elle souhaite interpeller sur « des répercussions majeures » qu’entrainerait l’arrêt de travail simultané des opérations des deux plus grandes compagnies de chemins de fer au Canada sur l’approvisionnement et le prix des biens dans la belle province.
Si l’ensemble des catégories de biens sera affecté par cette nouvelle grève ferroviaire, les produits alimentaires importés comme le café, le cacao ou le sucre, qui arrivent par le port de Vancouver, sont les intrants auxquels on pense pour l’industrie.
« Au Québec, une paralysie de cette chaine pourrait avoir des conséquences désastreuses, notamment pour l’approvisionnement alimentaire, des biens essentiels et matériaux. Ultimement, ce sont les consommateurs qui en payeront le prix ainsi que les entreprises qui dépendent du transport ferroviaire pour s’approvisionner », note la Fédération des chambres du commerce du Québec.
Pour le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ), la grève probable du 22 août pourrait clairement perturber l’approvisionnement des épiceries. « L’impact d’une grève ferroviaire sur notre secteur ne peut être sous-estimé », indique l’organisme dans un communiqué à l’attention du gouvernement fédéral et travaille à trouver des solutions à ces membres via du camionnage.
Des solution alternatives compliquées
Qualifié de « conflit majeur », c’est le troisième conflit de travail en peu de temps qui affecte le système logistique canadien. « La réputation du pays est en jeu avec de nouveau des délais de livraison supplémentaires », souligne Sylvain Charlebois. La Fédération des chambres de commerce est du même avis : « la réputation du Canada auprès de ses partenaires commerciaux sera également grandement entachée. Les victimes d’un tel conflit de travail ne devraient pas être les milliers d’entreprises et leurs travailleurs qui dépendent de la fiabilité de nos réseaux ferroviaires ».
Difficile pourtant de ne pas dépendre du rail pour l’approvisionnement alimentaire alors que les chemins de fer canadiens transportent annuellement des marchandises d’une valeur de 380 milliards $ et plus de la moitié des exportations totales, ce qui en fait l’un des piliers de la chaîne logistique du pays.
« Il n’y a pas de solutions à court terme, explique Sylvain Charlebois. Certains transporteurs sont sollicités pour faire de la longue distance mais c’est temporaire ». De la débrouille pourrait on dire… « Les téléphones sonnent chez les transporteurs routiers mais ce ne sont pas des conditions idéales pour l’approvisionnement alimentaire des détaillants ». Le spécialiste mentionne que cela pourrait également créer un déséquilibre pour l’approvisionnement local avec potentiellement des camions manquants.
Ces conflits sociaux successifs des principales compagnies ferroviaires du pays doivent être un déclencheur selon Sylvain Charlebois. « Il est temps de penser la chaîne d’approvisionnement alimentaire comme essentielle », conclut il.
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