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Crédit photo: Agathe Pinault

Produits ethniques : un marché en pleine expansion

25 juin 2024 | Par Agathe Pinault

« Aujourd’hui, tout le monde connaît le butter chicken ou la sauce aux huîtres, il y a 30 ans ce n’était pas le cas » relate B K Sethi, consultant spécialisé dans le marketing multiculturel. La demande pour ce genre de produits est en pleine croissance, d’une part parce que le nombre d’immigrants augmente, et d’autre part parce que la population locale voyage plus et ramène des souvenirs gustatifs qu’elle veut retrouver ici.

La nourriture, un pont entre les cultures

« La pizza est un produit ethnique. Enfin plus maintenant… mais ça l’a été. Un taco, de la salsa, de la sauce soya… ce sont tous des produits ethniques », énumère B K Sethi. L’importante affluence de nouveaux immigrants l’a poussé à créer sa société de conseil en marketing, spécialisée dans le marché ethnique, en 1982. Il voulait convaincre les plus grands détaillants d’importer au Canada des produits ethniques venus des quatre coins du globe - des produits que les immigrants étaient habitués à acheter dans leur pays d’origine. Il était certain que le marché ethnique était une opportunité à saisir.

Cela lui a pris quelques années avant de convaincre les plus grosses entreprises d’attirer ces consommateurs-là. Pour Costco ou Walmart, par exemple, ce marché leur semblait tout petit. B K Sethi les a convaincus que ceux-ci n’allaient pas seulement acheter des produits ethniques chez eux, mais aussi du pain, du lait, du fromage, etc.

Lilly Nguyen, consultante en agroalimentaire et auteure du livre de recettes Baguettes et Fourchette, rejoint B K Sethi : « Je me souviens, quand j’allais en voyage en France il y a une vingtaine d’années, je ramenais toujours du confit de canard en conserve parce qu’on n’en trouvait pas ici ». Depuis quelques années, plus besoin pour elle de prévoir une valise supplémentaire lorsqu’elle part en vacances : elle peut en acheter dans son épicerie habituelle.

Ce phénomène répond à la demande de la population immigrée. Selon Statistique Canada, en 2021, 26% de la population canadienne affirmait en effet appartenir à une minorité visible. Un chiffre supposé augmenter ces prochaines années : en 2030, la barre des 30% de la population canadienne devrait être atteinte, puis cela devrait continuer de grimper pour arriver à 38% d’ici 2040. Au Québec, on comptait près de 600 000 immigrants temporaires au deuxième trimestre de 2024, toujours selon Statistique Canada. Un nombre en augmentation de 42% depuis 2023.

Le « rôle crucial » des détaillants

B K Sethi assure que l’offre des produits ethniques est bien plus volumineuse et variée que dans les années 1980. Pourtant, aujourd’hui encore, il peut être difficile de trouver des produits ethniques en épicerie. « Pourquoi on ne trouve pas de tahini - pâte de sésame - au centre-ville de Montréal ? Ou alors, on n’a pas le choix, il n’y a qu’une seule marque », se désole Lilly Nguyen. Elle reproche le manque de diversification de ce type de produits.

« Les détaillants ont un rôle crucial à jouer dans la croissance du marché ethnique », affirme la consultante en agroalimentaire. Ils sont bien placés pour instruire les clients quant à ces produits, et ainsi en vendre plus. « Le plus compliqué, c’est de sauter le pas. Une fois qu’un client a goûté et cuisiné un produit, il est très probable qu’il le rachète », explique Lilly Nguyen.

Avant la pandémie, elle réalisait parfois des visites guidées dans des épiceries pour démystifier les produits asiatiques. Pendant une heure, elle effectuait le tour du supermarché avec des clients : ils ouvraient et goûtaient des produits, elle expliquait à quoi ils servaient et comment les cuisiner. Une autre technique possible pour faire découvrir les produits ethniques aux clients : faire des étiquettes explicatives, comme un mode d’emploi.

La consultante en agroalimentaire ajoute : « Pourquoi les épiceries rangent-elles les produits selon des rayons Asie, Moyen-Orient, ou encore Mexique ? Pourquoi ne pas mettre la sauce soya avec les condiments, et le vinaigre de riz avec les vinaigres ? ». Pour elle, ces produits se vendraient plus s’ils étaient rangés par catégories et non pas par régions géographiques.

Importance des réseaux sociaux

Les influenceurs ont aussi leur rôle à jouer. Beaucoup de personnes les suivent sur les réseaux sociaux et leur font confiance. D’après le dernier sondage d’EY, 61% des Canadiens ont acheté un produit sur la base d’une recommandation d’un influenceur. Les épiciers et fournisseurs peuvent donc payer des influenceurs pour faire la promotion de leurs produits. Une technique plus efficace que la publicité en ligne : d’après le sondage mentionné précédemment, seulement 21% des répondants ont acheté un produit suite à une publicité vue sur un réseau social.

Parmi les différents réseaux sociaux, TikTok se démarque. Selon l’étude TikTok Marketing Science Global Retail Path to Purchase Study 2021, conduite par Material, 55% des utilisateurs disent que la plateforme les aide à découvrir de nouveaux produits et nouvelles marques. Au final, 37 % ont acheté quelque chose qu’ils ont découvert sur TikTok. À noter que la moyenne d’âge des utilisateurs grimpe petit à petit. 73% des utilisateurs dans le monde étaient âgés entre 18 et 34 ans en 2023, selon un rapport Data Reportal.

Un, deux, trois… Go !

Selon Lilly Nguyen, c’est la course des détaillants à aller chercher le public, car c’est un marché qui va prendre de plus en plus d’ampleur. « Les clients sont majoritairement fidèles à leur épicerie. Alors c’est le premier détaillant qui aura le plus d’offres qui attirera le plus de clients. » Elle affirme d’une voix sûre que les détaillants devraient avoir pour optique de diversifier leur offre de produits ethniques.

Il est très difficile de savoir exactement combien représente le marché ethnique, explique B K Sethi : « mais je suppose qu’il s’agit actuellement de près de 6 à 7% du chiffre d’affaires des épiceries » tranche-t-il.

Mots-clés: épicerie
Québec