Ainsi pourrait se résumer l’année qui vient de s’écouler. De l’action, des accélérations, des décélérations, de mauvaises et de bonnes surprises, 2020 en a apporté tout un lot ! Un lot pandémique. Le secteur du détail alimentaire a dû très vite réagir, mettre en place des mesures pour répondre aux multiples urgences. Celles provenant des instances officielles, des chaînes d’approvisionnement mises sous tension, des équipes de travail déstabilisées, des clients déroutés qui se sont lancés dans des achats compulsifs... Certains commerces ont vu leur activité décoller comme jamais. D’autres ont dû fermer, revoir leur plan d’affaires, mettre des projets sur la glace, réouvrir dans un contexte anxiogène... Il a fallu faire vite et au mieux.
À quoi faut-il s’attendre en 2021 ?
Même s’il demeure délicat d’affirmer que tel phénomène observé sur le terrain va s’inscrire durablement dans le temps ou devenir la norme, certains changements étaient déjà amorcés du côté des comportements et des habitudes d’achat, des grandes tendances alimentaires, des innovations technologiques et de la réflexion sur des notions de fond. La crise covidienne a opéré à la fois comme un effet de « loupe » et un accélérateur.
La consécration et la politisation des l’achat local
L’intention d’acheter des produits d’ici se traduit enfin par des gestes concrets. Et ce n’est pas uniquement en aval de la chaîne (du côté des clientèles) que l’on observe cette évolution. Elle se retrouve aussi dans le choix des fournisseurs/entrepreneurs locaux que va faire un magasin, des instances gouvernementales qui ont décidé de soutenir ce pan d’économie par la mise en place de diverses mesures - notamment financières - et dans la restructuration organisationnelle de géants de l’alimentaire (comme le plan Local First de Danone qui vise à renforcer l’ancrage local du groupe). Après la résilience de la chaîne d’approvisionnement locale, place à sa mise en oeuvre !
Face à l’essor du commerce en ligne, une redéfinition du commerce physique
Dans la foulée de la pandémie, on l’a vu : l’épicerie en ligne s’est imposée. Certains commerces étaient prêts sur le plan des outils et de la logistique ; d’autres ont dû rattraper leur retard ou bricoler un mécanisme avec les moyens du bord pour répondre à la demande pressante. En 2021, l’établissement d’une passerelle omnicanale entre le magasin physique et la boutique en ligne (faire en sorte qu’il y ait une complémentarité entre les différents canaux afin de garantir une expérience client optimale) devient incontournable. L’achat des produits de base pourrait se faire en ligne tandis que celui de produits exclusifs, saisonniers, de créneau et haut de gamme se réaliserait sur place, en boutique, au moyen d’ateliers culinaires, des dégustations, de rencontres avec des producteurs ou des chefs. Ce scénario va-t-il se répandre ? Dans ce nouveau partage des rôles entre le présentiel et le virtuel, des concepts comme « le magasin dans le magasin » s’avèrent pertinents. Ils permettent en effet à deux entités distinctes de se compléter et de mutualiser leurs produits ou services. Pensons ici au locatif, ainsi qu’aux services de livraison et de conciergerie.
Les nouvelles formes de livraison
« Livrer au plus près du client, idéalement à sa porte, le plus vite et le plus durablement possible. » La crise a favorisé les tests grandeur nature de formules créatives : le covoiturage (se faire livrer par un autre client qui réside à proximité), la locomotion douce (par véhicules hybrides ou électriques), l’installation de boîtes postales le long des artères commerciales... Le fameux « dernier kilomètre » reste encore l’un des grands enjeux du commerce de détail alimentaire. Mais il y a aussi la distance de l’entre-deux, soit la liaison entrepôt-détaillant, qui évolue actuellement en raison de l’arrivée des véhicules autonomes et du déplacement des entrepôts, maintenant plus proches des zones de consommation.
La notion de transparence
Depuis plusieurs années maintenant, la transparence est une notion recherchée, et ce, tout au long de la chaîne d’approvisionnement - du producteur au consommateur en passant par le transporteur et le détaillant. Connaître l’origine d’un produit alimentaire, savoir si sa conception s’est faite dans un cadre respectueux de diverses considérations éthiques ou environnementales, si son étiquette est « propre »... tout cela compte, désormais. Les nouvelles technologies d’emballage comme les codes-barres invisibles ou les chaînes de blocs (« blockchains ») permettent de faire de grandes percées dans ce domaine. Avec les coûts que cela entraîne...
Contrôle des coûts, éclatement du panier d’épicerie
Le panier d’épicerie va se démultiplier en raison de la recherche constante des bons plans, des bonnes affaires. Les achats alimentaires ne se font plus dans un lieu unique, mais dans plusieurs établissements - y compris chez des détaillants non traditionnels qui proposent des produits en gros, ou encore à bas prix ou fixe. Le panier d’épicerie combine vrac, épicerie fine et gros format pas cher. Les circulaires devraient connaître une nouvelle jeunesse, se présenter différemment, être plus joliment « encapsulées » dans des solutions de commerce en ligne.
L’impact environnemental à tous les échelons de l’épicerie
L’empreinte carbone de nos assiettes a de plus en plus une incidence sur les achats. Pour l’épicier, cela signifiera apprendre à gérer son commerce en faisant plus que sa part sur le plan environnemental. Cela va du choix des fournisseurs de matériel ou d’emballage à la réduction de l’utilisation des matières non recyclables en magasin, en passant par des partenariats avec des entreprises qui vont récupérer et remettre par exemple des invendus dans une boucle socioéconomique. Les consommateurs réclament plus d’écologie, particulièrement les plus jeunes.
Les applications directes de l’intelligence artificielle
Elles sont de plus en plus nombreuses. Pensons aux modules de formation proposés aux équipes en place sous forme de réalité augmentée, à la « déambulation » en 3D dans les rayons du magasin avant de faire son épicerie en ligne, au paiement facilité sans passage à la traditionnelle caisse, ainsi qu’aux listes d’épicerie générées en ligne à partir de critères personnalisés comme les recettes préférées, le régime alimentaire et le budget.
Le « prêt-à-manger » signé par un chef
Depuis la pandémie, le rapprochement entre les secteurs de la restauration et de l’épicerie n’a cessé de se renforcer. Les chefs ont eu besoin des commerces de détail pour poursuivre et diversifier leur activité. Les commerces de détail ont eu besoin des chefs pour satisfaire une certaine clientèle intéressée par une telle offre alimentaire. La demande en boîtes repas, qui connaît un certain engouement depuis la généralisation du télétravail, devrait se poursuivre. Elle comprendra notamment des offres « plein air » dès que la météo permettra de se sustenter à l’extérieur.
Le duo santé-alimentation encore plus fort
Depuis plusieurs années, le courant « santé » affiche sa présence sur les tablettes des épiceries à travers une multitude de produits organisés en sections pour aider le consommateur à s’y retrouver : bio, naturel, sans gluten, végan... Les produits alimentaires qui renforcent les défenses immunitaires et protègent contre le coronavirus vont s’ajouter. Bientôt un rayon « anti-COVID » ?
Le nouveau règne du végétal et de la fabrication in vitro
Le développement de protéines végétales et de substituts encore plus recherchés (comme les aliments issus de la fermentation des plantes) en remplacement de la protéine animale se poursuit. Les désormais classiques substituts de viande à base de légumineuses occupent aujourd’hui des sections entières dans les commerces traditionnels (à cela s’ajoutent ceux de tous les commerces hyperspécialisés qui se sont créés). Or, un autre processus s’accélère : la culture alimentaire en laboratoire. Les choses ont commencé avec les « faux » hamburgers. Les « fausses » pépites de poulet ont ensuite pris le relais. Pour la viande cultivée en laboratoire, on parle de « labriculture » ; pour les fruits de mer recomposés, on parle d’« aquaculture cellulaire ». Les aliments ainsi créés sont en train de bouleverser le régime alimentaire traditionnel à base d’origine animale.